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Ma plus grande douleur sera de ne pouvoir te secourir

Le titre est une citation d’Évariste de Parny tirée des Chansons madécasses. Quelle phrase énigmatique ! Une fille parle à sa mère qui vient de la vendre en esclavage. Et l’on comprend que la plus grande de toutes les douleurs soit de ne pouvoir remédier à ce qu’on anticipe pour l’autre, surtout s’il est très proche et même s’il vous a meurtri…

Le ton est ainsi donné, dans ces textes la douleur est toujours en fond de tableau, douleurs anciennes et présentes, mémoires blessées qui se reconnaissent, qui génèrent parfois des comportements étranges.

Les six nouvelles

100 francs CFA

Nadine revient chez sa mère dans les Hauts de La Réunion après six d’absence. Les sensations reviennent, les souvenirs remontent d’une époque où il fallait « trape la lune ek les dents », vivre l’infâme et malgré tout progresser.

De l’ordre s’il vous plait

Rejeton d’une double lignée coloniale de bâtisseurs d’industrie, finalement ruinés, Hadrien s’est faché avec sa mère. En visitant l’ancienne usine, il s’effondre en pleurs devant les injonctions de simples plaques d’émail, résurgences du monde disciplinaire qu’il a connu enfant. Parti à La Réunion en touriste, il trouve une île en ébullition et se laisse fasciner par la jeunesse insurgée.

Hébron

Une jeune femme musulmane originaire de La Réunion est Volontaire pour la paix à Hébron. Il s’agit de se tenir aux cotés des Palestiniens dans cette ville dont le centre est occupé par les colons israéliens. Au rythme des couvre-feux et des check-point, la peur s’installe, la volonté s’épuise.

Taque baro, Liline

Le vieux monsieur Moutou est aux urgences, il a attrapé le chikungunya lors d’une sortie dominicale. Déboussolés, les médecins entrouvrent la porte aux tisaneurs tandis que la gendarmerie fait la chasse à l’eau stagnante. Ce n’est certainement pas dans la cour des Moutou qu’ils vont en trouver. Et Micheline Moutou leur ferme la porte au nez. L’élégante Malbaraise qui règne sur le club de troisième âge vacille à l’annonce du décès de son mari, subitement cernée d’une nuée d’uniformes bleus.

Le verbe se fit chair

Une jeune archéologue intervient sur l’archéologie de l’esclavage colonial au musée du quai Branly.  Elle introduit son propos par la chanson IX du recueil des Chansons madécasses. Émue, elle raconte comment le cyclone Gamède a exhumé des ossements humains près du cimetière marin de Saint-Paul et comment la vénération pour les morts trouble les fouilles archéologiques.

Ombres chinoises

Malia et Lou sont amies depuis le lycée, étudiantes en art, elles créent au gré des évènements. Du mémorial de l’abolition de l’esclavage à Nantes à la prison Juliette Dodu de Saint-Denis de la Réunion, en passant par le festival Pan de mur de Roanne, elles poursuivent leurs projets. De rencontres en révélations l’oeuvre avance mais leur amitié se fracasse finalement sur la violence de la performance artistique.

 

UNE PUISSANTE ICONE : LE CASQUE COLONIAL

Il est là dès la première nouvelle, emblématique du rapport de domination ressenti par le petit colon. « Avec son casque colonial, sa tenue quasi militaire et sa moustache, le maître était impressionnant. » On l’imagine sur la tête de l’autoritaire directeur de l’usine sucrière de Piton Saint-Leu. On le retrouve dans une chapellerie de Roanne où le vendeur fait l’article en se référant à l’histoire coloniale. Exposé dans l’espace public, l’objet surprend et choque : chuchotements et  jet de tomate.

 

L’AUTEURE

Nathalie Hermine est née à Saint-Denis de La Réunion, elle a d’abord exercé la profession de journaliste avant de s’orienter vers l’éducation nationale. Professeur de français, puis personnel de direction, elle a quitté La Réunion en  2014 , affectée dans la Loire puis dans la Marne.

Les Éditions Grand Océan ont publié en 2002 son premier roman intitulé « Voleur chemin». On peut aussi lire une autre de ses nouvelles « Aziz » dans la revue « KANYAR » n° 7.

Son site internet est intitulé : Nathalie Hermine – La Réunion, la littérature, l’art, l’histoire

https://nathaliehermine.com/coups-de-coeur/

VERTIGE

Quand le présent vacille 

Le cinquième roman de Pierre-louis Rivière commence au présent, à la clarté du matin dans les hauts de La Réunion. Le héros est arpenteur, il indique les limites à toutes sortes de gens qui tentent de savoir où ils en sont avec la terre, avec la famille.  Mais ce jour-là,  la terre s’ouvre sur un cadavre, la forêt tremble et l’attire vers une maison qui ne lui paraît pas inconnue. Déjà éprouvé par la veille attentive de sa soeur jumelle tombée dans le coma après un accident, son esprit dérive à la recherche d’une présence fantomatique. Et une jeune femme surgit, incarnation du passé dramatique qu’il découvre peu à peu. Le malheur et la honte étouffés dans le secret familial se conjuguent à la  violence des phénomènes naturels pour mener le couple à sa perte. Incompréhensible pour les proches et les témoins, l’histoire reste suspendue sur les gouffres du passé. 

L’auteur

Pierre-Louis Rivière a commencé au théâtre comme comédien, musicien, metteur en scène. Puis il devient auteur dramatique en créant la trilogie « Garson », « Carrousel » puis « Émeutes » qui est la première oeuvre à témoigner des événements du Chaudron de 1991.

Il publie son premier roman en l’an 2000, c’est «Notes des derniers jours»  qui a obtenu le Prix de l’océan Indien et le Prix du livre insulaire d’Ouessant. Parallèlement, il enseigne à l’école supérieure d’art. A partir de 2014, il se remet au roman et publie successivement :

  • « Le vaste monde » paru en 2014
  • « Clermance Kilo, voyante extralucide » paru en 2015 aux éditions Poisson Rouge (voir ci-dessous dans l’onglet Fiction )
  • « Todo mundo » paru en 2016

«VERTIGE» est donc son cinquième roman. Après ses détours par le fantastique et la créolité dans le monde, Pierre-Louis Rivière revient à La Réunion d’aujourd’hui, avec un thriller psychologique. 

La littérature dans l’océan Indien

Éditions Poisson Rouge.oi ? C’est un nom de domaine ça ? Vous avez déjà vu .oi dans un nom de domaine ? Non, bien sûr… Mais nous, iliens du sud-ouest de l’océan Indien, avons pris l’habitude d’intégrer le o et le i à nos enseignes commerciales. (suite…)